La chronique de Quentin Delille. Gaz et électricité : les facteurs qui déterminent le prix de l’énergie
Evènements climatiques, contexte géopolitique, prix du CO2 ou disponibilité des moyens de production, autant de facteurs qui influent sur les marchés de l’énergie. Explications et tendances à venir.
Volatilité à court terme mais opportunités d’achat pour 2020 et 2021
Quelle sera la tendance pour la fin de l’année 2018 et les semestres à venir ? « On ne peut pas prédire le climat des mois à venir, mais, sans attendre, les stocks de gaz encore faibles, l’arrêt prolongé de deux réacteurs belges (jusqu’en décembre au lieu d’octobre) et la fluctuation des prix du CO2, vont contribuer à la volatilité des prix du gaz comme de l’électricité », estime Quentin Delille, Sales-trader en énergie d’ENGIE Entreprises & Collectivités
Pour les bailleurs sociaux ayant acheté leur électricité en 2016, année où le prix du MWh était particulièrement compétitif, il est donc important d’avoir en tête cette évolution des conditions de marché.
Pour ne pas subir la volatilité des prix les bailleurs sociaux doivent anticiper la publication de leur marché.
Aussi est-il nécessaire d’anticiper ses appels d’offre et la reconduction de contrats pour ne pas subir les marchés. « Pour les livraisons calendaires 2020 et 2021, les marchés sont actuellement en backwardation* . Le prix gaz et électricité confondus de 2019 sont donc plus élevés aujourd’hui que ceux des deux années suivantes », relève Quentin Delille.
Un achat clic pour 2020 ou 2021 peut donc être opportun pour les clients gérant dynamiquement leur approvisionnement d’énergie sur les marchés. Pour d’autres, un contrat de 24 mois ou trois ans offrira un prix fixe moins élevé qu’un contrat de 12 mois. Mais, et c’est toute la logique des marchés, le contexte pourrait se retourner dans les mois à venir.
(*la structure du marché indique que les prix livraisons lointaines sont moins chères que les livraisons proches)
Retour sur les les prix du gaz et de l’électricité des trois premiers trimestres de 2018 :
« Depuis le début de l’année 2018, on assiste à une forte de hausse des prix du gaz et de l’électricité, qui ont respectivement augmenté de 40% », annonce Quentin Delille, Energy Sales Trader
En janvier, les prix étaient pourtant à la baisse. Il n’empêche : le déplacement du vortex polaire du pôle nord vers l’Europe a occasionné une forte vague de froid entre fin février et fin mars. Résultat, la demande d’électricité et de gaz a augmenté et, combinée au début de la forte hausse du prix des quota de CO2(+270% de hausse depuis le début de l’année), elles ont engendré une remontée fulgurante des prix de l’énergie.
Gaz : des stocks limités
Pour le gaz, la vague de froid a perturbé le marché pour deux raisons principales. D’abord, « la France disposait de stocks assez faibles début 2018. L’impact du vortex polaire a donc conduit à quasiment vider nos stocks. Pour les reconstituer, il a donc fallu importer du gaz depuis l’étranger alors même que la période coïncidait avec une hausse de la demande partout en Europe », explique Quentin Delille.
Faiblesse des stocks disponibles dans un contexte de diminution de la production domestique à laquelle s’est ajoutée une baisse de la production européenne de gaz. En raison d’un regain d’activité sismique, différentes autorités des Pays-Bas demande la diminution de la production de certains champs gaziers (Groningen) ont en effet dû fermer des champs importants.
Aussi ces aléas ont-ils contribué à tendre davantage les marchés. La hausse aurait pu se tarir une fois la vague de froid passée, mais le contexte géopolitique n’a pas joué en ce sens. La remise en cause des accords sur le nucléaire iranien par l’administration Trump a en effet apporté des tensions du côté des producteurs de pétrole du Moyen-Orient, lesquelles ont eu un effet haussier sur les prix de marché.
Enfin, la forte demande asiatique en charbon a eu un impact direct sur les prix du charbon. Conséquence : de nombreux acteurs ont préféré se rediriger vers le gaz
Electricité : la France « paye » les choix des pays voisins
Côté électricité, la donne charbon s’est ajoutée à la vague de froid. « Le marché français de l’électricité est considérablement impacté par la situation des pays voisins. Nous sommes sur un marché fortement interconnecté. On importe et on exporte en direct tous les jours entre la France, la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas ou d’autres pays frontaliers, rappelle Quentin Delille. Or, si le mix électrique français se compose à 75-80% de nucléaire, ailleurs en Europe, chez nos voisins, le nucléaire n’est pas si prépondérant. Et ce d’autant que les installations nucléaires belges ont connu des défaillances et ont été mise à l’arrêt pour certaines ».
Au final, la France a donc subi la volatilité d’autres pays, et notamment de l’Allemagne qui produit une partie de son électricité à partir de charbon.
Pour les mois à venir, le marché restera volatile. « Il pourra donc baisser comme augmenter », traduit Quentin Delille. Mais les fournisseurs alternatifs (hors EDF) attendent avec impatience l’attribution des volumes d’Arenh pour l’année 2019 prévue en novembre prochain. 100 TWh d’électricité nucléaire à prix régulé (42€/ MWh) sont ainsi répartis chaque année entre plusieurs fournisseurs d’électricité dont ENGIE.